La Cour supérieure de l'Ontario annule la loi sur la TTC comme inconstitutionnelle
Par John DR Craig
Dans la section locale 113 de l'ATU contre Sa Majesté la Reine du chef de l'Ontario et le procureur général de l'Ontario, une loi a été contestée qui éliminait le droit de grève de tous les travailleurs syndiqués de la TTC, quel que soit leur poste. La Cour a conclu à une violation du droit à la liberté d'association garanti par l'article 2(d) de la Charte en raison d'une « ingérence substantielle » dans une négociation collective significative, et aucune justification en vertu de l'article 1. En parvenant à sa conclusion, la Cour a semblé s'écarter des décisions antérieures selon lesquelles donné aux gouvernements plus de latitude pour réglementer les grèves dans les services publics importants.
FAITS
La Loi sur le règlement des conflits de travail de la Commission de transport de Toronto, ou la « Loi sur la TTC », a été initialement promulguée en 2011 par le gouvernement de l'Ontario. Il a reçu la sanction royale le 30 mars 2011 et a supprimé le droit de tous les travailleurs syndiqués de la TTC de s'engager dans une activité de grève de quelque nature que ce soit. Avant la Loi sur la TTC, les relations de travail entre la TTC et ses syndicats étaient régies par la Loi sur les relations de travail de l'Ontario, qui autorisait les grèves.
La section locale 113 de l'ATU, la section locale 2 du SCFP et un certain nombre de requérants individuels (les « requérants ») ont déposé une demande de contestation de la Loi sur la TTC pour des motifs d'inconstitutionnalité. Leur principal argument était que la Loi enfreignait l'article 2(d) de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte »), en ce que son interdiction de grève portait atteinte de manière substantielle aux droits des travailleurs à une négociation collective valable.
En particulier, les demandeurs ont soutenu que le droit de grève est le « moteur » de la négociation collective et promeut la dignité des travailleurs, leur permettant de participer aux questions qui régissent leur vie professionnelle.
Le gouvernement de l'Ontario, à l'inverse, a fait valoir que la Loi sur la TTC n'enfreignait pas l'article 2(d) parce qu'elle remplaçait le droit de grève par un arbitrage neutre, juste et exécutoire. Un tel arbitrage, selon le gouvernement, maintenait « l'équilibre » entre les travailleurs et les employeurs et permettait des négociations collectives significatives.
À titre subsidiaire, le gouvernement a fait valoir que la loi était justifiée en vertu de l'article 1, car elle favorisait l'objectif de prévenir les perturbations du service de transport en commun et toute préoccupation connexe en matière de santé, de sécurité, d'environnement et d'économie.
La Cour résume ainsi les principaux effets des dispositions de la TTC Act :
ANALYSE DE LA CHARTE
La Cour a examiné les observations des parties à la lumière de l'historique des négociations entre la TTC et ses travailleurs avant et après la mise en œuvre de la loi sur la TTC, ainsi que de l'historique des activités de grève dans le cadre de la relation de négociation. Elle a également examiné les éléments de preuve indiquant si la TTC pouvait à juste titre être considérée comme un "service essentiel", concluant finalement que ce n'était pas le cas.
L'alinéa 2d) et le droit à des négociations collectives constructives
La Cour a commencé par résumer certains des principes fondamentaux qui sous-tendent les droits garantis par l'alinéa 2d) de la Charte, tels que la caractérisation du droit de grève comme un « élément indispensable » de la négociation collective et son statut de « soupape de sécurité essentielle » visant à parvenir à une participation significative. Il a noté que pour que les demandeurs obtiennent gain de cause, ils devaient établir que la loi entraînait une « ingérence substantielle » dans les droits garantis par l'article 2(d) à un processus de négociation collective valable.
Des témoignages d'experts ont été fournis concernant l'efficacité de l'arbitrage exécutoire des différends en remplacement des grèves et des lock-out. Les experts ont convenu que l'arbitrage de différends pouvait avoir des effets "paralysants" et "narcotiques", mais ont divergé sur la question de la démocratie syndicale et de la participation.
La Cour a reconnu que l'arbitrage de différends était "de nature conservatrice et n'a pas réussi à résoudre des problèmes importants et complexes", et que le processus d'arbitrage en vertu de la Loi sur la TTC avait été "extrêmement long". Il a également déclaré que la perte du droit de grève affectait d'autres éléments de la relation de travail, tels que la dignité, l'autonomie, la participation des membres, la capacité de parvenir à des règlements volontaires, et avait un effet négatif sur le processus de négociation.
La Cour a alors conclu que la Loi sur la TTC avait pour effet de mettre les employés sur un pied d'égalité avec la TTC. Sur ce raisonnement, une violation de l'article 2(d) de la Charte a été conclue.
Aucune justification ou sauvegarde en vertu de la section 1
La Cour a ensuite examiné si, malgré la violation des droits garantis par l'article 2(d), la Loi sur la TTC pouvait être justifiée en vertu de l'article 1 de la Charte. L'article 1 prévoit qu'une législation portant atteinte à la Charte est permise lorsqu'elle est manifestement justifiée en tant que limite raisonnable dans une société libre et démocratique, et :
Objectif urgent et réel
La Cour n'a pas contesté que la TTC est un service d'importance critique et que l'objectif de la Loi était de prévenir les perturbations afin de protéger le public qui dépend du transport en commun. Cependant, la Cour a déterminé qu'un tel objectif ne serait urgent et réel que si la TTC était considérée comme un « service essentiel ». S'appuyant sur les conclusions et les recommandations de l'Organisation internationale du travail (« OIT »), la Cour a conclu qu'un « service essentiel » doit être défini strictement pour inclure uniquement les services qui sont nécessaires pour « la vie, la sécurité personnelle ou la santé de l'ensemble ou d'une partie de la population". La Cour a conclu que le gouvernement de l'Ontario n'avait pas établi que la TTC satisfaisait à ce critère strict, notant que l'OIT elle-même n'avait pas considéré les services de transport en commun comme essentiels.
La Cour a conclu qu'une grève de la TTC pouvait avoir un effet disproportionné sur les groupes en quête d'équité. Cependant, comme cette question n'était pas mentionnée dans le préambule de la loi, il s'agissait d'un objectif a posteriori qui ne pouvait pas constituer le fondement d'une justification en vertu de l'article 1.
La Cour a conclu qu'en l'absence d'objectif urgent et réel, la législation ne pouvait être justifiée en vertu de l'article 1. Cependant, elle a néanmoins examiné les autres facteurs du test de l'article 1 et leur application à l'inconstitutionnalité de la loi TTC.
Lien rationnel entre objectif et moyen
La Cour a conclu que, si l'objectif devait être défini comme "prévenir les effets sur la santé et la sécurité, l'économie et la pollution d'une perturbation de la TTC", le lien entre la suppression générale du droit de grève et l'objectif n'était pas clair. De plus, la Cour a conclu que la rapidité avec laquelle la loi TTC a été promulguée reflétait un manque de soin dans la conception, ce qui, à son tour, a nui à la présence d'un lien rationnel.
Déficience minimale
La Cour a en outre noté qu'en déterminant que chaque travailleur de la TTC était "effectivement essentiel" et incapable de faire grève quel que soit le travail effectué, la loi sur la TTC était trop large, sans aucun mécanisme pour contester cette désignation. Il a comparé le contenu de la TTC Act à ceux qui s'appliquent aux employés de Metrolinx (en vertu de la Crown Employees Collective Bargaining Act), où une approche plus adaptée a été adoptée.
Constatant qu'il n'y avait aucune preuve de consultation ou d'étude pour identifier d'autres méthodes permettant d'atteindre ses objectifs sans supprimer complètement le droit de grève, la Cour a conclu que la loi TTC était un « instrument grossier » et ne fournissait pas une approche adaptée ou nuancée pour le problème. Par conséquent, il n'y avait pas d'atteinte minimale.
Proportionnalité entre effets salutaires et effets délétères
À cette dernière étape de l'analyse, la Cour s'est concentrée sur les effets de la législation. Comme il l'avait précédemment constaté à l'étape de l'"objectif urgent et réel", il n'a pas considéré qu'une grève de la TTC était révélatrice d'un "préjudice grave" ou mettant en danger "la vie, la sécurité personnelle ou la santé" de l'ensemble ou d'une partie de la population. Il a également constaté que les preuves économiques sur lesquelles s'appuyait le gouvernement étaient insuffisantes et que, même si les groupes en quête d'équité étaient susceptibles d'être plus touchés par les effets d'une grève de la TTC, la suppression du droit de grève aurait également un effet négatif sur l'équité. recherche de groupes au sein de la TTC.
La Cour a en outre noté que l'historique des grèves de la TTC suggérait qu'elles étaient généralement peu fréquentes et de courte durée. Par conséquent, les fermetures relativement brèves des transports en commun qui devraient accompagner d'éventuelles grèves de la TTC ne compenseraient pas le préjudice causé par la législation à une négociation collective significative.
La Cour a donc conclu que la législation n'était pas sauvegardée par l'article 1. Elle a déclaré la législation inconstitutionnelle et sans effet.
CONCLUSION
La décision de la Cour selon laquelle la définition de l'OIT des « services essentiels » devrait effectivement contrôler l'application de l'article 1 de la Charte est peut-être l'aspect le plus notable de la décision, et celui qui justifie un examen en appel. Les gouvernements canadiens ont toujours limité les grèves et les lock-out afin de protéger le public dans des circonstances plus larges que celles envisagées par l'approche très stricte de l'OIT. Si la Cour a raison dans son approche, cela empêchera les gouvernements d'intervenir dans la grande majorité des arrêts de travail et augmentera la probabilité que les gouvernements invoquent la clause nonobstant (article 33 de la Charte) pour contourner une telle approche restrictive.
Si vous avez des questions sur ce sujet ou toute autre question relative au droit du travail, n'hésitez pas à contacter un avocat de Mathews Dinsdale.
Le cabinet tient à souligner l'aide de Joanna Strozak, stagiaire en droit au bureau de Toronto du cabinet.
FAITS ANALYSE DE LA CHARTE Section 2(d) et le droit à une négociation collective significative Aucune justification ou sauvegarde en vertu de la Section 1 CONCLUSION